mercredi 19 septembre 2018

106. IGOR

J'ai la haine. Je bondis sur un Tchétchène. Je lui envoie un coup de tête au front. Bruit de bois sec qui craque. Il est en sang et il me tache mon treillis. Un autre est déjà sur moi. Il me défie. Je me replace en position de combat. Une phrase me traverse comme un rappel : " Il se passe un temps infini entre l'instant où l'adversaire a décidé de frapper et celui où le coup vous atteint. "
   La petite lueur est présente dans son regard. Ne pas la quitter des yeux. Elle descend. Le pied droit ! Il compte me décocher un coup de pied au ventre. Je me place en perception ralentie du temps. Dès lors, tout va se dérouler comme dans un film, image par image.
   Son pied droit remonte. Un petit mouvement des hanches et je me présente de profil. Mes deux mains se portent vers l'avant. Il ne perçoit pas mon mouvement et continue de remonter son pied conformément à son intention initiale. Je saisis sa chaussure, poursuis son mouvement et le propulse en l'air. Il retombe lourdement. Je me précipite sur lui. Corps à corps. Il me mord. Je sors mon couteau, il tire le sien. Nous sommes comme deux fauves enragés ferraillant avec notre croc unique. Sensations et informations affluent dans mon cerveau. Mon cœur s'accélère. Mes narines cherchent l'air. J'aime ça.
   Dans mes oreilles résonne puissamment la Nuit sur le mont Chauve, de Modest Moussorgski. Mon adversaire hurle pour se redonner de la force. Son cri entre en harmonie avec ma musique. Duel au couteau.
   Coup de genou. Le sien s'envole. Il saisit son revolver. Toujours pas assez rapide pour m'inquiéter.
   D'un mouvement du poignet, je lui arrache son arme. La retourne contre lui. Le contraint à appuyer sur sa propre détente. Le coup part. Il y a un trou dans sa veste de coton vert.
Il n'a pas été assez rapide. Il est mort.

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