mardi 18 septembre 2018

30. JACQUES. 1 AN

Je vis ma vie de bébé.
   Je n'aime pas quand les parents m'attrapent sous les bras. J'aime quand ils me saisissent par le siège et que je peux m'asseoir dans la paume de leurs mains.
   Papa me lance souvent en l'air. Je risque de m'écraser au plafond. Ça me fait peur. Pourquoi les papas se sentent-ils obligés de lancer leurs gosses en l'air ?
   Tout m'angoisse. J'ai envie de me cacher sous les couvertures et que les autres me laissent en paix.
   Une petite fille m'a été présentée comme étant ma sœur. Elle a l'air contente de me voir car elle n'arrête pas de me mettre des choses dans la bouche en me disant : " Allez, bébé, il faut manger. " Elle me cale dans la poussette de sa poupée et court partout en hurlant : " Bébé est sale ! Il faut lui donner un bain et lui shampouiner les yeux ! "
   Elle n'est pas la seule fillette ici à se prétendre ma sœur. Il y en a d'autres, que je perçois comme autant de présences intéressantes, mais potentiellement dangereuses. Certaines m'appliquent des bisous, d'autres me tirent les cheveux. Il y en a qui me donnent le biberon et d'autres qui me font des chatouilles.
   J'ai découvert que, dans la famille, nous avions aussi un chat. Il m'apparaît comme étant l'entité la plus sereine de la maison. Sa fourrure est aussi veloutée que la peluche de mes nounours et il en sort un bruit de ronronnement grave qui me plaît.
   Mes sœurs essaient de me montrer comment marcher. Je suis déjà tombé une fois et le souvenir de mes bleus me rend méfiant quant à de nouvelles tentatives. La station debout m'inquiète. À quatre pattes, on chute de moins haut.
   À part le chat, comme éléments rassurants dans la maisonnée, il y a aussi le pot et la télévision.
   Lorsque je suis sur le pot, personne ne vient me déranger. La télé, elle, a pour propriété de bouger tout le temps et, en plus, elle ronronne comme le chat.
   À la télé, il y a des histoires en permanence. J'adore les histoires. Elles me font oublier mes angoisses.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire