mercredi 19 septembre 2018

64. IGOR. 8 ANS

Je me plaignais de l'orphelinat de Saint-Pétersbourg, j'avais tort. Le centre de redressement pour mineurs de Novossibirsk est bien pire. À l'orphelinat, on ne mangeait que des raclures de viande mais au moins elles étaient fraîches. Ici, elles sont avariées. Depuis le temps que je suis là, j'ai sûrement développé de super-défenses immunitaires.
   À l'orphelinat, la literie était légèrement moisie. Ici, elle regorge de punaises grosses comme mon pouce. Même les souris en ont peur. À l'orphelinat, ça empestait partout l'urine, ici ça pue partout la charogne.
   J'ai longtemps regretté d'avoir choisi de venger Vladimir plutôt que de partir avec le colonel, et puis j'ai appris récemment que mon ex-futur papa avait été arrêté. Il appartenait bel et bien à un réseau de pédophiles. Les copains avaient raison. Si on ne peut même plus se fier aux médailles militaires, alors...
   Dès le premier jour on m'a volé mes affaires pendant que je dormais. La nuit, l'établissement résonne de bruits. On entend tout à coup des cris et mon imagination s'emballe sans que je puisse l'arrêter.
   Vania est là aussi. Puisque c'est lui qui m'a tendu le poignard, le directeur l'a estimé complice du crime. Dès le premier jour, il a réussi à se faire casser la figure. À croire qu'il attire les coups... Je suis intervenu pour le sauver. Il m'a dit qu'il m'en serait éternellement reconnaissant. Vania est devenu un peu comme un petit frère pour moi.
   Ici aussi, on travaille dans un atelier. Orphelins, délinquants, prisonniers, c'est autant de main-d'œuvre bon marché pour les industriels. Je continue à fabriquer des jouets pour les enfants occidentaux.

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