mardi 18 septembre 2018

27. NAISSANCE D'IGOR


Donc je vais naître.
Je me souviens que j'étais un astronaute. Je me souviens que j'étais désespéré.

   Nous voilà auprès d'Igor maintenant. Lui aussi est nerveux. Il se remémore sa vie antérieure et les traumatismes subis. J'accours et, aussitôt, lui applique la marque des anges. " Chut, oublie le passé. " Il refuse de se calmer. J'appuie plus fort et tant pis si sa gouttière sera profonde. Il retrouve enfin un peu de tranquillité.

   Ma mère vient de s'écrouler dans la rue. Depuis le temps qu'elle niait les symptômes, il fallait s'y attendre. Nausées. Vertiges. À chaque fois, je recevais des coups en guise de punition. Comme si c'était de ma faute !
   Cette fois, elle a perdu les eaux, je me retrouve tout au sec et, par-dessus le marché, elle s'est évanouie.
   Des gens l'ont ramassée. Ils se sont récriés et puis quelqu'un a dit que cette dame devait être enceinte. Un autre s'est exclamé qu'il fallait l'emmener d'urgence à l'hôpital.
   - Ça va mieux, annonce maman en reprenant ses esprits, ce n'est juste qu'un évanouissement dû à l'alcool.
Heureusement, ils ne l'ont pas écoutée.
L'établissement est loin. La voiture roule vite. Je le devine aux cahots.
- Respirez lentement, conseille une voix féminine.
- Ce n'est rien, je veux rentrer chez moi, répète maman.
   Je commence à suffoquer là-dedans. Je vais mourir, et alors elle aura gagné. Les contractions commencent. Il était temps. Le couple d'automobilistes, je sais que c'est un couple puisque alternent voix d'homme et voix de femme, s'affole.
   La voiture accélère encore. Les secousses augmentent et les contractions aussi. Je me place en position.
ALLEZ-Y. JE SUIS PRÊT.
   - J'ignore comment m'y prendre, soupire l'homme à sa compagne. Je n'ai jamais accouché quiconque, je suis boulanger.
Alors, imagine que tu sors un pain du four, grand dégourdi !
- Il va mourir, il va mourir, se lamente l'homme.
   Mais c'est compter sans moi. En dépit de ma génitrice hostile et de ces deux incapables, j'ai envie de vivre et je vivrai.

Par ici la sortie : " Exit. "
   Je sors entièrement ma tête. C'était le plus dur. J'ouvre les yeux et ne vois plus rien. Tout est flou.
- Enveloppe-le dans ta veste, ordonne la dame.
Bon, j'ai réussi le plus difficile. Je suis né. La suite devrait être plus aisée.
   - J'ai bien cru que nous n'y arriverions jamais. Je ne savais pas qu'un accouchement pouvait être aussi dur.
   - On oublie vite, me réconforte Raoul. Mais tu as vu, j'ai bien fait de venir. On n'était pas trop de deux pour influencer les autres automobilistes et éviter que la voiture n'ait un accident.
- Ils sont assez touchants...
   - Tu parles... ce sont des monstres, ouais ! Et le cauchemar ne fait que commencer. À présent, tu vas connaître le pire.
- Quoi donc ?
Raoul prend un air navré.
   - Le LIBRE ARBITRE ! Le libre arbitre des humains, c'est leur droit de choisir ce qu'ils font de leur vie. Donc le droit de se tromper. Celui de provoquer des catastrophes. Sans rendre de comptes à qui que ce soit. Sans assumer. Et ils ne se gênent pas. Ah, s'il te plaît, méfie-toi de ces deux mots fatals : " libre arbitre ".

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