-
C’est
un
bon
choix,
tu
ne
le
regretteras
pas,
me
certifie
Émile
Zola.
Les archanges nous pressent de laisser la place aux suivants. Mon
ange gardien m’entraîne vers l’entrée du deuxième tunnel dans
la montagne. Des parois émane une clarté bleu marine comme un
diamant éclairé de l’intérieur.
Émile Zola me laisse face à cette grande caverne illuminée non
sans me serrer la main pour me féliciter une dernière fois.
J’avance dans le tunnel. Une membrane bouche le chemin. Je la
soulève comme une tenture de théâtre. De l’autre côté, il y a
un personnage nonchalant qui se tient très droit au milieu du
couloir.
-
Bienvenue parmi les
anges, je suis votre ange
instructeur.
-
Ange instructeur ?
C’est quoi ça encore
?
-
Après
l’ange
gardien,
l’ange
instructeur
prend
le
relais
de
la
formation
de l’âme,
m’annonce-t-il, comme si cela allait de
soi.
Je le considère.
Il ressemble à Kafka. Oreilles hautes et longues. Yeux en amande.
Visage triangulaire de renard. Le regard est fiévreux.
-
Mon nom est
Wells.
- Wells? LE Wells?
Il étire un sourire.
-
Non, non. Je suis
Edmond Wells,
rien à voir
avec H.G. Wells
ou Orson
Welles,
mes
homonymes, si c’est eux que vous aviez en tête… N’empêche,
j’aime bien mon nom. Vous
connaissez sa
signification en anglais ? « Puits. » Voyez
en moi celui
dans lequel vous pouvez « puiser » à volonté. Et puisque nous
sommes
appelés
à
passer
du
temps
ensemble,
tutoyons-nous.
-
Moi,
c’est
Pinson,
Michael
Pinson.
Rien
à
voir
avec
l’oiseau.
Il
me
donne
sur
l’épaule
une
bonne
tape
que
je
ne
ressens
pas.
-
Enchanté, ange
Michael.
Cela me fait drôle d’entendre le mot ange apposé devant mon
prénom comme une sorte de « docteur » ou « maître ».
-
Vous
étiez qui,
sinon, dans le « civil » ? lui
dis-je.
-
Dans ma dernière
vie, avant de sortir du cycle des réincarnations ? Eh bien,
un
peu
comme
toi,
disons
que
j’ai
été
un
explorateur
dans
mon
genre.
Mais moi,
ce
n’était
pas
«
l’infiniment
dessus
»
qui
m’intéressait
mais
plutôt
« l’infiniment dessous »… Le sous-terre.
-
Le sous-terre
?
-
Oui, la vie cachée
sous la peau de la planète. Les vrais petits lutins de la forêt.
Côte à côte nous avançons dans le tunnel qui n’en finit pas de
traverser la montagne. Soudain, je m’arrête.
-
Edmond Wells.
Edmond
Wells…
Je répète ce nom, songeur. Je l’ai déjà lu dans un journal. Je
cherche jusqu’à ce que le souvenir me revienne.
Ça y est :
-
Vous
n’avez pas
été impliqué dans une affaire d’assassinats de
fabricants
d’insecticides
?
-
Tu
brûles.
« Les vrais petits lutins de la forêt »… Je plisse le front.
-
C’est vous qui avez
fabriqué une machine à communiquer avec les fourmis
!
-
J’avais baptisé
cet engin « La pierre de Rosette » car elle servait de truchement
entre
les
deux
civilisations
les
plus
sophistiquées
de
la
planète,
deux
civilisations cependant incapables de se comprendre et de s’estimer
: les hommes et les
fourmis.
Il semble ressentir une certaine nostalgie pour son invention puis se
reprend :
-
Je t’apprendrai ton
« métier » d’ange avec ses devoirs, ses méthodes et ses
pouvoirs. Mais surtout, ne l’oublie jamais, être ici constitue
déjà en soi UN IMMENSE
PRIVILÈGE.
Il martèle :
-
COMPRENDS-TU AU MOINS
QUE NE PLUS RENAÎTRE EST LE PLUS
BEAU
CADEAU
QU’UN
HUMAIN
PUISSE
ESPÉRER
?
Je commence à me faire à l’idée que je suis libéré du cycle des
réincarnations.
-
Et qu’allez-vous
m’apprendre, Monsieur Wells
?
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