lundi 17 septembre 2018

4. ANGE


      - C’est un bon choix, tu ne le regretteras pas, me certifie Émile Zola.
Les archanges nous pressent de laisser la place aux suivants. Mon ange gardien m’entraîne vers l’entrée du deuxième tunnel dans la montagne. Des parois émane une clarté bleu marine comme un diamant éclairé de l’intérieur.
Émile Zola me laisse face à cette grande caverne illuminée non sans me serrer la main pour me féliciter une dernière fois. J’avance dans le tunnel. Une membrane bouche le chemin. Je la soulève comme une tenture de théâtre. De l’autre côté, il y a un personnage nonchalant qui se tient très droit au milieu du couloir.
      - Bienvenue parmi les anges, je suis votre ange instructeur.
      - Ange instructeur ? C’est quoi ça encore ?
      - Après l’ange gardien, l’ange instructeur prend le relais de la formation de l’âme, m’annonce-t-il, comme si cela allait de soi.
Je le considère.
Il ressemble à Kafka. Oreilles hautes et longues. Yeux en amande. Visage triangulaire de renard. Le regard est fiévreux.
      - Mon nom est Wells.
      - Wells? LE Wells? 
      Il étire un sourire.

      - Non, non. Je suis Edmond Wells, rien à voir avec H.G. Wells ou Orson Welles, mes homonymes, si c’est eux que vous aviez en tête… N’empêche, j’aime bien mon nom. Vous connaissez sa signification en anglais ? « Puits. » Voyez en moi celui dans lequel vous pouvez « puiser » à volonté. Et puisque nous sommes appelés à passer du temps ensemble, tutoyons-nous.

      - Moi, c’est Pinson, Michael Pinson. Rien à voir avec l’oiseau. Il me donne sur l’épaule une bonne tape que je ne ressens pas.

      - Enchanté, ange Michael.
Cela me fait drôle d’entendre le mot ange apposé devant mon prénom comme une sorte de « docteur » ou « maître ».
      - Vous étiez qui, sinon, dans le « civil » ? lui dis-je.

      - Dans ma dernière vie, avant de sortir du cycle des réincarnations ? Eh bien, un peu comme toi, disons que j’ai été un explorateur dans mon genre. Mais moi, ce n’était pas « l’infiniment dessus » qui m’intéressait mais plutôt
« l’infiniment dessous »… Le sous-terre.
      - Le sous-terre ?
      - Oui, la vie cachée sous la peau de la planète. Les vrais petits lutins de la forêt.
Côte à côte nous avançons dans le tunnel qui n’en finit pas de traverser la montagne. Soudain, je m’arrête.
      - Edmond Wells. Edmond Wells…
Je répète ce nom, songeur. Je l’ai déjà lu dans un journal. Je cherche jusqu’à ce que le souvenir me revienne.
Ça y est :
      - Vous n’avez pas été impliqué dans une affaire d’assassinats de fabricants d’insecticides ?
      - Tu brûles.
« Les vrais petits lutins de la forêt »… Je plisse le front.
      - C’est vous qui avez fabriqué une machine à communiquer avec les fourmis !

      - J’avais baptisé cet engin « La pierre de Rosette » car elle servait de truchement entre les deux civilisations les plus sophistiquées de la planète, deux civilisations cependant incapables de se comprendre et de s’estimer : les hommes et les fourmis.
Il semble ressentir une certaine nostalgie pour son invention puis se reprend :
      - Je t’apprendrai ton « métier » d’ange avec ses devoirs, ses méthodes et ses pouvoirs. Mais surtout, ne l’oublie jamais, être ici constitue déjà en soi UN IMMENSE PRIVILÈGE.
Il martèle :
      - COMPRENDS-TU AU MOINS QUE NE PLUS RENAÎTRE EST LE PLUS BEAU CADEAU QU’UN HUMAIN PUISSE ESPÉRER ?
Je commence à me faire à l’idée que je suis libéré du cycle des réincarnations.
      - Et qu’allez-vous m’apprendre, Monsieur Wells ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire