mercredi 19 septembre 2018

78. ENCYCLOPÉDIE


    TROIS RÉACTIONS : Dans son ouvrage Éloge de la fuite, le biologiste Henri Laborit rapporte que, confronté à une épreuve, l'homme ne dispose que de trois choix : 1) combattre ; 2) ne rien faire ;
3) fuir.



    Combattre : c'est l'attitude la plus naturelle et la plus saine. Le corps ne subit pas de dommages psychosomatiques. Le coup reçu est transformé en coup rendu. Mais cette attitude présente quelques inconvénients. On entre dans une spirale d'agressions à répétition. On finit toujours par rencontrer quelqu'un de plus fort qui vous met K-O.
    Ne rien faire : c'est ravaler sa rancœur et agir comme si l'on n'avait pas perçu l'agression. C'est l'attitude la mieux admise et  la  plus  répandue  dans  les  sociétés  modernes.  Ce  qu'on  appelle " l' inhibition de l'action ". On a envie de casser la figure à l'adversaire, mais étant donné qu'on a conscience du risque de se donner en spectacle, de prendre des coups en retour et de rentrer dans une spirale d'agression, on ravale sa rage. Dès lors, ce coup de poing qu'on n'inflige pas à l'adversaire, on se l'assène à soi-même. Dans ce type de situation fleurissent les maladies psychosomatiques : ulcères, psoriasis, névralgies, rhumatismes...
La troisième voie est la fuite. Il en existe de plusieurs sortes.
    La fuite chimique : alcool, drogue, tabac, antidépresseurs, tranquillisants, somnifères. Elle permet d'effacer ou tout au moins d'atténuer l'agression subie. On oublie. On délire. On dort. Donc ça passe. Mais ce type de fuite dilue aussi le réel et, peu à peu, l'individu ne supporte plus le monde normal.
    La fuite géographique : elle consiste à se déplacer sans cesse. On change de travail, d'amis, d'amants, de lieux de vie. Ainsi on fait voyager ses problèmes. On ne les résout pas pour autant, mais on leur fait changer de décor, ce qui est déjà en soi plus rafraîchissant.
    La fuite artistique, enfin : elle consiste à transformer sa rage, sa colère, sa douleur en œuvres d'art, films, musiques, romans, sculptures, tableaux... Tout ce qu'on ne s'autorise pas à clamer, on le fait dire à son héros imaginaire.
Cela peut ensuite produire un effet de catharsis.
Ceux qui verront les héros venger leurs propres affronts bénéficieront aussi de l'effet.

Edmond Wells,
Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome IV.

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