Donc j'existe.
Je ne discerne pas grand-chose. Rien qu'un environnement rouge orangé. Et je perçois des bruits. Des battements de cœur. Le transit intestinal. La voix de maman. Elle dit des choses que je ne comprends pas.
- Je-ne-veux-pas-garder-ce-bébé. Du charabia.
Je ressasse les syllabes jusqu'à retrouver une connaissance ancienne qui me permette de les interpréter.
Voix d'homme. Ce doit être papa.
- Tu n'es qu'une sotte. Tu lui as déjà donné un nom, Igor. À partir du moment où l'on désigne les choses, elles commencent à exister.
- Au début, je le voulais, mais maintenant je n'en veux plus de cet enfant.
- Il est trop tard, je te dis. Tu n'avais qu'à réfléchir avant. À présent, plus aucun médecin n'acceptera d'interrompre ta grossesse.
- Il n'est jamais trop tard. Nous n'avons pas les moyens d'entretenir un gosse, autant nous en débarrasser tout de suite.
Ricanements.
- Tu n'es qu'une ordure ! crie maman.
- Je t'assure que tu finiras par l'aimer, insiste papa. Sanglots de femme.
- J'ai l'impression d'avoir dans mon corps une tumeur qui grandit et qui me ronge. Ça me dégoûte.
Raclements de gorge.
- Oh, et puis fais ce que tu veux ! s'exclame papa. De toute façon, moi j'en ai assez de tes gémissements perpétuels. Je m'en vais. Je te quitte. Débrouille- toi.
Porte qui claque. Maman pleure, puis hurle.
Un temps. Et puis soudain je reçois une volée de coups de poing ! Papa est parti. C'est donc maman qui se frappe ainsi toute seule le ventre.
À l'aide !
Elle ne m'aura pas. Je tente de me venger d'une série de petits coups de pied dérisoires.
C'est facile de s'attaquer à plus petit que soi, surtout quand l'autre est coincé et ne peut fuir.
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