mercredi 19 septembre 2018

129. ENCYCLOPÉDIE

LES CREQ : L'homme est en permanence conditionné par autrui. Tant qu'il se croit heureux, il ne remet pas en cause ce conditionnement. Enfant, il trouve normal qu'on le contraigne à avaler des aliments qu'il déteste, c'est sa famille. Adulte, il trouve normal que son supérieur l'humilie, c'est son travail. Marié, il trouve normal que sa femme lui fasse des reproches permanents, c'est son épouse. Citoyen, il trouve normal que son gouvernement réduise sans cesse son pouvoir d'achat, c'est le gouvernement pour lequel il a voté.
    Non seulement il ne s'aperçoit pas qu'on l'étouffe, mais en plus il revendique sa famille, son travail, son système politique et la plupart de ses prisons comme autant de formes d'" expression de sa personnalité ".
    Beaucoup d'humains sont prêts à se battre bec et ongles pour qu'on ne leur ôte pas leurs chaînes. Pour nous les anges, il est donc parfois nécessaire de provoquer ce qu'en bas ils nomment des
" malheurs " et que nous en haut qualifions de " CREQ ", pour " crise de remise en question ". Les CREQ peuvent prendre plusieurs formes : accident, maladie, rupture familiale, déboires professionnels.
    Ces crises terrifient les mortels mais, au moins, les déconditionnent provisoirement. Très vite, l'humain part à la recherche d'une autre prison. Le divorcé est pressé de se remarier. Le licencié accepte un travail plus pénible encore. Cependant, entre le moment où survient la CREQ et celui où le mortel retrouve une autre prison, il aura joui de quelques instants de lucidité. Il aura entrevu alors ce qu'est la vraie liberté. Même si, en général, cela l'a plutôt effrayé.

Edmond Wells,
Encyclopédie dit Savoir Relatif et Absolu, Tome IV.

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