mercredi 19 septembre 2018

206. PERSPECTIVE

Une étoile filante passe.
Sur son balcon la vieille dame la suit des yeux et prononce un vœu. Sa petite-fille la rejoint en brandissant une grande cage.
   - Qu'y a-t-il, Mylène ?
   - Je voulais te montrer le nouveau jouet que j'ai reçu pour Noël, mamie.
   La vieille dame se penche et examine l'intérieur de la cage. Elle aperçoit trois hamsters effrayés qui se cachent de leur mieux. Ils essayent de sculpter du papier journal avec leurs pattes et leurs incisives pour le transformer en cavernes protectrices.
   - Il paraît qu'ils ont été sauvés exprès pour moi. Sinon ils étaient livrés à des laboratoires pour servir à des expériences de vivisection.
Un œil immense s'approche des prisonniers.
   - Tu les as appelés comment ?
   - Il y a deux mâles et une femelle. Je les ai baptisés Amédée, Denis et Noémie. Ils sont mignons hein ?
L'œil géant se retire.
   - Tu sais, élever des hamsters, c'est une responsabilité. Il faut s'occuper d'eux, les nourrir, les empêcher de se battre, nettoyer leurs déjections, sinon, ils dépérissent.
   - Ils mangent quoi ?
   - Des graines de tournesol.
   La petite fille pose la cage par terre, revient avec une boîte de graines grises qu'elle vide dans le distributeur, remplit l'abreuvoir d'eau. Au bout d'un moment, rassuré, un hamster s'introduit dans la grande roue et la fait tourner de plus en plus vite.
   - Pourquoi Amédée s'agite-t-il ainsi ? s'étonne Mylène.
   - Tu sais, ils ne savent pas trop quoi faire d'autre de leur journée, soupire la vieille dame.
La petite fille esquisse une moue.
   - Dis, mamie, tu crois qu'on peut les faire sortir de leur cage pour qu'ils se dégourdissent un peu les pattes dans l'appartement ?
La vieille dame caresse les cheveux de la petite fille.
   - Non. Ils seraient perdus. Ils ont toujours vécu en cage. Ils ne sauraient où aller.
   - Alors, que peut-on faire pour les rendre plus heureux ?
   - C'est une bonne question...
   Le regard de Nathalie Kim quitta sa petite fille pour se diriger vers le firmament. Quand elle fixait le ciel, elle se sentait toujours apaisée.
" Jacques est peut-être là-haut ", se dit-elle.
   Un minuscule point blanc, près de la Lune, se déplaça à toute vitesse. Ce n'était pas une étoile filante. Pas de vœu. Ce n'était pas non plus un satellite. Elle savait ce que c'était. Un gros avion de transport. Sans doute un Boeing 747.
La petite fille se serra contre sa grand-mère.
   - Dis, mamie, tu crois qu'un jour mes hamsters mourront ?
   - Tsss... Il ne faut pas y penser, Mylène.
   - Mais quand même, il faudra bien qu'on fasse quelque chose à ce moment- là, non ? On va quand même pas les jeter... à la poubelle ! Moi, je crois qu'il y a un Paradis pour les hamsters...
   Nathalie Kim rectifia la longue mèche blanche qui lui tombait sur les yeux. Puis, avec tendresse, elle releva le menton de sa petite-fille. Elle lui désigna la voûte céleste dans son immensité panoramique.
   - Chut, regarde les étoiles et apprécie, toi, d'être vivante.

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